Le cas Holmes (1)
Holmes est un cas particulier à Mr Jack. Il peut faire gagner (ou perdre) une partie à lui tout seul. Parfois considéré comme source d'injustice, parfois comme un nabot ingrat, Holmes est autant vénéré que craint (remarquez, ça va bien ensemble). Dans toutes les parties de Mr Jack, l'inspecteur et Jack ont un oeil particulier sur Holmes. La question que se pose chaque joueur : est-ce que ça vaut le coup de le jouer ? Remarquez bien que certains joueurs - surtout les inspecteurs - ne se posent pas trop la question. Bon, je suis du genre à me la poser, et à mesurer l'opportunité (comme on dit) de jouer Holmes. Au delà des effets de hasard, quelle est sa vraie influence sur le jeu ? Pour répondre à cette question, nous pouvons commencer par aborder le cas Holmes sous l'angle des statistiques et de la façon dont le nombre de cartes alibi découvertes par l'un ou l'autre, influence la décision finale.
Le tableau ci-dessous résume les différents cas de figure statistiques qu'on peut légitimement rencontrer à Mr Jack.

Ainsi, par exemple, un inspecteur avec 3 cartes alibis face à un Jack avec 2 suspects innocents (3 suspects au total donc), a :
- 28,57% de (mal)chance de n'avoir aucun des suspects parmi les 3 cartes alibis;
- 57,14% de chance d'avoir 1 suspect
- 14,28% de chance d'avoir 2 suspects
Dans ce cas (3 cartes alibis / 2 suspects), remarquons quand même que Holmes disculpera Jack à lui seul dans 1 partie sur 7 (14,28%).
Les mêmes lignes (A=3, B=2) fonctionnent pour le cas où il reste 3 suspects (4 en incluant Jack) face à 2 cartes alibis.
On pourra se servir de ce tableau pour mesurer l'apport d'une nouvelle carte alibi dans la partie. Ainsi si on compare les lignes (A=2, B=2) avec les lignes (A=3, B=2), on peut apporter une réponse statistique à la question "Quel est l'intérêt d'avoir 3 cartes alibi plutôt que 2, dans une situation à 2 suspects innocents ?"
La probabilité de disculper les 2 suspects innocents passe de 4,76% à 14,29%; celle de disculper 1 suspect passe de 47,62% à 57,14%, et celle de n'en disculper aucun de 47,62% à 28,57%.
A partir de ce premier tableau, on en obtient un second mesurant les chances de disculpation en fin de partie pour l'inspecteur en fonction du nombre de cartes alibis qu'il détient. Voici une façon d'estimer l'apport théorique de Holmes sur le gain des parties.

Un autre enseignement de ce tableau - même s'il paraît assez évident sans calcul -, réside dans le dilemne qui se pose parfois à Jack entre "jouer Holmes" ou "lacher un suspect" (ou le dilemne de l'inspecteur "jouer Holmes" ou "disculper un suspect"). Dans tous les cas, Jack doit renoncer à jouer Holmes si cela lui fait perdre un suspect. La perte d'un suspect coute toujours plus chère (en chance de victoire) que le gain d'une nouvelle carte alibi. Le seul cas (dans les limites du tableau ci-dessus) où perdre un suspect est équivalent à prendre une carte alibi, concerne le passage de "5 suspects et 4 cartes alibis" à "4 suspects et 3 cartes alibis". Ces 2 choix donnent 40% de victoire à l'inspecteur. Dans tous les autres cas, il sera plus intéressant pour Jack - même si c'est parfois très proche -, de conserver 1 suspect plutôt que de prendre une carte alibi. Cette règle est aussi valable pour l'inspecteur : il est plus intéressant d'éliminer un suspect que de prendre une carte alibi.
Pour illustrer ceci, imaginons une situation de jeu où Jack a maintenu 3 suspects, et l'inspecteur déjà obtenu 2 cartes alibis. Si le fait de jouer Holmes lui fait perdre 1 suspect, il se retrouvera dans la situation "2 suspects et 2 alibis", soit 64,29% de gain pour l'inspecteur. S'il conserve le suspect, laissant Holmes à l'inspecteur, il se retrouve dans la situation "3 suspects et 3 alibis", soit 52,38% de victoire pour l'inspecteur. Dans ce cas là, la carte alibi coûte près de 12% de chance de victoire.
Rappelons qu'il ne s'agit ici que d'une analyse statistique de l'influence de Holmes sur l'issue du jeu. Elle ne prend pas en compte le facteur humain, la faculté d'analyse de l'inspecteur, les capacités de blufs et de dissimulation de Jack. Ce sera l'objet d'un autre article sur le Cas Holmes.